Regards d'artistes
FOCUS SUR...
LA PHOTOGRAPHIE A LUMINOSITE REDUITE / YOHANN GOZARD
L’artothèque du Lot possède des photographies de Yohann Gozard réalisées de nuit lors de sa résidence aux maisons Daura pendant l’hiver 2010. Propos de l’artiste sur ces oeuvres très appréciées du public.
Peux-tu détailler ce qui a motivé ce travail ?
Initialement mon projet était de travailler sur le territoire du triangle noir mais sur place j’ai trouvé d'autres axes plus directement liés à Saint-Cirq-Lapopie et à la vallée du Lot où je résidais alors. J’ai voulu représenter cet état de torpeur dans lequel est plongée la vallée, désertée en hiver : une brume lumineuse s’étend silencieusement au milieu de la nuit éclairée par les projecteurs braqués sur les villages.
Cette démarche appelle-t-elle une technique spécifique ?
J’ai exclusivement utilisé du matériel numérique et j’ai soumis les images à une postproduction assez conséquente. En travaillant sur la représentation de la nuit noire, je désirais figurer un environnement dans lequel on perçoit plus qu’on ne voit. J’explorais ainsi les très faibles intensités lumineuses et je poussais les techniques de figuration dans les limites de ce qu’elles étaient capables de reproduire, d’où le soin particulier apporté aux tirages originaux.
J’ai également utilisé la digigraphie, une technique d’impression numérique qui permet de restituer une qualité et une texture de noirs incroyables tout en conservant des nuances de couleurs très riches dans les ombres et des progressions colorées assez douces.
La photographie à “luminosité réduite” a-t-elle une histoire particulière ?
Au XIXe siècle, les faibles sensibilités des émulsions et la luminosité limitée des objectifs obligeaient à recourir à des temps de pose élevés. Les montages de plusieurs images étaient courants pour compenser les écarts de luminosité des compositions mais aussi pour dépasser des restrictions liées à l’objectif.
Les prises de vue au sténopé reproduisent encore aujourd’hui cette lenteur des temps de pose et restituent bien la douceur qui découle de l’étalement de la lumière pendant la durée des poses très longues.
Avec les techniques argentiques, la représentation réaliste de la nuit n’a jamais été possible sans montages, le support photosensible ayant des limites très restrictives.
Le numérique a-t-il changé la donne ?
Dans un sens oui, les capteurs des appareils deviennent tellement sensibles qu’ils permettent dorénavant de réaliser des photographies de nuit à main levée ! Mais paradoxalement, malgré toutes ces possibilités de prises de vue spontanées, de nombreux photographes ont installé leur pratique dans la durée, Felten-Massinger allant jusqu’à vivre dans leur caravane-sténopé, Abelardo Morell recréant la camera obscura à l’échelle d’une chambre d’hôtel. José Arnaud-Bello, artiste résident aux maisons Daura lors des résidences du printemps 2011 a d’ailleurs construit et expérimenté une camera obscura dans une grotte dominant la vallée du Lot.
LES ENTRETIENS
Le Département du Lot va à la rencontre des artistes de la collection pour les interroger sur leur démarche artistique.
Pour débuter cette collection d'entretiens, rendez-vous avec Alain Prillard, artiste lotois installé à Cajarc.